Le Tribunal fédéral a rendu un arrêt très intéressant s’agissant de la qualité pour recourir d’un gouvernement cantonal contre une décision du Tribunal cantonal, suite à une demande de transparence formulée par un journaliste (arrêt 1C_43/2021 du 21 novembre 2022). Petit résumé des faits, avant l’analyse des motifs de cette décision.
Les faits et la procédure cantonale :
Un journaliste avait requis l’accès à différents documents afférents à la fin des rapports de travail d’un ancien haut fonctionnaire de l’administration cantonale. Il s’agissait de l’accord de séparation, ainsi que de tous les autres documents liés ou ayant pour objet cette séparation (annexes, rapports, procès-verbaux du Conseil d’État ou échanges de courriels). Le Conseil d’État avait refusé cet accès en invoquant des intérêts prépondérants de tiers. Saisie d’un recours, la Cour suprême du Canton de Schaffouse a, quant à elle, considéré que, ni les intérêts privés de l’ancien haut fonctionnaire, ni les intérêts publics du Gouvernement cantonal ne justifiaient un refus complet. L’affaire a conséquemment été renvoyée au Conseil d’État, pour déterminer l’étendue de la consultation, notamment à l’aune des intérêts privés d’autres collaborateurs concernés. C’est contre cette décision que le Conseil d’État a recouru auprès du Tribunal fédéral, qui lui dénie la qualité pour le faire.
La recevabilité du recours du Conseil d’Etat :
Selon la loi sur le Tribunal fédéral, un gouvernement cantonal doit être touché de manière identique ou similaire à des personnes privées. Autre hypothèse : la décision le touche de manière spécifique et digne de protection dans l’exercice d’une tâche relevant de la puissance publique. Il a été considéré que le Conseil d’État était dans le cas d’espèce touché comme un employeur privé en raison notamment du fait qu’il pouvait subir un désavantage financier lors de futures négociations d’accords de séparation avec des fonctionnaires. Le Tribunal fédéral ne qualifie toutefois pas ce litige de litige pécuniaire en relation avec la fonction publique. A cela s’ajoute que le principe de transparence ne trouve pas application pour les employeurs privés.
Le Conseil d’État avait quant à lui motivé son recours en évoquant la protection des données de ses employés, en l’absence de leur consentement. Ce grief a été rejeté dès lors que la cour cantonale avait renvoyé l’affaire au Conseil d’État pour déterminer précisément l’étendue de la consultation. L’argument selon lequel l’anonymisation serait impossible, voire inappropriée en raison notamment de la taille réduite de l’unité en charge de cette question à Schaffhouse et d’une charge de travail importante a également été rejeté. Ce grief a été considéré comme insuffisamment motivé.
Conclusion :
Gageons que cet arrêt va donner des idées à de nombreux journalistes et citoyens, puisqu’il restreint, notablement, les possibilités d’échapper à l’application du principe de transparence pour un gouvernement cantonal et, partant, son administration.
Notre conseil :
Pour en savoir plus sur cette décision judiciaire:
- L’article de Charlotte Beck, Pas de qualité pour recourir d’un canton dans un litige lié au principe de transparence, 7 mars 2023 in www.swissprivacy.law/206