Les faits
Une affaire genevoise, très intéressante, nous donne l’occasion de nous pencher sur la thématique de la transparence des acteurs du monde judiciaire.
Un avocat avait sollicité pour l’un de ses clients auprès du Pouvoir judiciaire l’accès à différents documents, soit des notes de frais relatives à des voyages, ainsi que l’agenda des mois d’octobre, mars et février.
Dans le cadre de cette démarche, il avait invoqué la désormais célèbre jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 142 II 324), selon laquelle un agenda même électronique fait expressément partie des documents susceptibles d’accès, lorsqu’il porte sur une période révolue, qu’il concerne un fonctionnaire haut placé, sous réserve du caviardage des éléments personnels. Cette jurisprudence qui a généré des critiques (principalement des personnes qui pourraient être concernées par une demande d’accès) a ouvert un champ des possibles dont le présent cas est une exemplification.
Après réflexion, le Président de la commission de gestion du Pouvoir judiciaire a indiqué qu’il n’y avait pas d’objection à produire les notes de frais requises et leurs justificatifs, expurgés des données personnelles et des informations sans lien avec la procédure à laquelle le requérant est partie. S’agissant de l’agenda du Procureur, il s’est opposé à la communication en arguant du fait qu’il ne serait lié qu’à un usage personnel. La jurisprudence du Tribunal fédéral ne trouverait dès lors pas application.
La médiation
Suite à ce refus, une procédure de médiation a débuté. Celle-ci n’ayant pas abouti, la Préposée adjointe du Canton de Genève a sollicité de pouvoir consulter le document sollicité, ce qui lui a été refusé. Une telle divulgation constituerait selon le Pouvoir judiciaire une violation du secret de fonction et porterait atteinte à la vie privée du Procureur. Cette réponse, vous l’aurez compris (en tant qu’elle invoque le secret de fonction), est quelque peu surprenante lorsqu’il est allégué que l’agenda servirait à un usage personnel.
Conséquemment la Préposée a rendu recommandation le 3 novembre 2022. Elle relève que le secret de fonction ne peut lui être opposé en vertu de la loi, ce qui signifie qu’elle aurait dû pouvoir consulter le document sollicité afin d’en recommander l’accès ou, au contraire, de recommander de maintenir un refus à l’accès requis. N’ayant pas pu consulter le document requis, la Préposé est dans l’incapacité de se prononcer sur le caractère public ou non du document querellé.
Quid nunc ?
Cette issue est évidemment regrettable, pour user de termes pondérés, surtout lorsqu’elle concerne un Procureur censément exemplaire. Il suffit dès lors à une autorité de refuser la communication du document litigieux pour se soustraire aux normes en matière de transparence. Seule une révision de la loi, permettant de sanctionner l’absence de collaboration, est susceptible de pallier cette faiblesse du processus.