Dans un arrêt récent (destiné à publication), le Tribunal fédéral a procédé à une analyse intéressante des normes applicables en matière de surveillance électronique (arrêt 5A_881/2022 du 2 février 2023).
Les prémisses du litige
Une femme a sollicité que son ex-mari soit soumis à une telle mesure après divers incidents dans le contexte d’un divorce houleux. Lors du jugement de divorce, en avril 2022, le Tribunal compétent avait prononcé une interdiction formelle de périmètre et de contact à l’encontre de l’ex-mari. Ce dernier avait en effet été condamné un an auparavant pour des faits graves, soit des lésions corporelles simples, des menaces, et des voies de fait. Il ne devait conséquemment plus s’approcher du domicile de son ex-épouse et de ses enfants à moins de 300 mètres.
En juillet 2022, soit quelques mois après le divorce, la femme a déposé une demande de surveillance électronique, dans le but de se protéger. Il s’agissait par le biais d’un dispositif électronique de pouvoir déterminer la position exacte de l’ex-mari. La justice bernoise a refusé cette requête, au motif qu’un tel dispositif permettrait certes de savoir où il se trouvait, mais pas d’assurer la sécurité de la requérante, si l’homme violait l’interdiction de périmètre. Dans une hypothèse, selon les juges bernois, aucune alarme ne serait déclenchée et la police n’interviendrait, conséquemment, qu’après une dénonciation. Le but recherché ne pouvait donc être atteint et la mesure ne s’avérait donc pas pertinente. L’ex-mari s’opposait également à cette requête.
L’argumentation du Tribunal fédéral
Le Tribunal fédéral est d’un avis diamétralement opposé. Pour la 2ème Cour de droit civil, une telle argumentation aurait tout simplement pour effet de vider de son sens la législation sur la surveillance électronique. En outre, il ne peut être exclu d’emblée que le dispositif ait un effet dissuasif. Jusqu’à présent, l’ex-mari n’a jamais été soumis à une telle mesure. En outre, les déplacements enregistrés peuvent servir de moyens de preuves. Selon le Code civil, la surveillance électronique peut être ordonnée pour six mois, puis prolongée pour des périodes de même durée. Les données doivent être effacées douze mois au plus tard après la fin de la mesure. Une telle surveillance est donc strictement encadrée.
Ce dossier est donc renvoyé à la Cour suprême du Canton de Berne qui devrait apprécier si l’intérêt de la requérante à la surveillance de son ex-mari l’emporte sur l’atteinte aux droits fondamentaux ainsi générée.
Le grain de sel de votre serviteur
Ce réexamen est logique. À défaut, dans chaque dossier, il eût été possible de développer un raisonnement similaire sur l’absence d’efficience. Le législateur a souhaité une surveillance électronique et les règles y relatives ne peuvent donc être interprétées de manière à la soumettre à des conditions exogènes au texte. Sur le plan moral, la décision bernoise est également choquante. Alors que les violences domestiques sont en constante augmentation, il paraît pour le moins singulier de tenter de restreindre les moyens de protéger les victimes.
Notre conseil :
Voici quelques ressources supplémentaires en cette matière essentielle:
- Présentation du 8 avril 2022 du Chef de l’OSAMA René Duc intitulée : Surveillance électronique en cas de menace, violence ou harcèlement selon l’art. 28c du Code civil
- Un travail de master réalisé par Justine Sidonie Jacquemoud, travail intitulé : La protection civile des victimes de violence domestique
- Un travail de master réalisé par Pauline Freudiger, intitulé: Les violences conjugales : Analyse du système juridique suisse et de la protection au niveau des cantons de Vaud et de Zurich
- L’article de Me Ludivine Ferreira Broquet (procureure fédérale) publié à la Jusletter 12 décembre 2016, article intitulé: Bracelet électronique et violences domestiques : une fausse bonne idée ?
- Le document publié par le Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes intitulé : La violence domestique dans la législation suisse
- Le document publié par le Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes consacré aux procédures civiles en cas de violence domestique : Procédures civiles en cas de violence domestique
- Le document publié par le Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes consacré aux procédures pénales en cas de violence domestique : Procédures pénales en cas de violence domestique
- L’arbre du réseau valaisan d’intervention contre les violences domestiques
- La Loi sur les violences domestiques (LVD) du Canton du Valais
Procédure pénale
La violence dans le couple étant considérée comme grave, les autorités pénales peuvent poursuivre la plupart des atteintes même si la victime ne dépose pas plainte pénale. Dans ce cas, les autorités pénales vont agir sur dénonciation d’un tiers (par exemple de voisins ou d’autorités). Le fait de déposer plainte pénale permet toutefois à la victime de bénéficier de certains droits dans la procédure pénale. Elle peut notamment demander la réparation du préjudice subi (dommage et tort moral). Dans tous les cas, elle peut bénéficier des droits accordés par la Loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infraction si elle a subi une atteinte directe à son intégrité physique, psychique ou sexuelle. Les centres de consultations LAVI peuvent venir en aide.
Les actes poursuivis d’office, indépendamment d’une plainte pénale, sont notamment les suivants :
- voies de fait répétées infligées par le/la partenaire durant la vie commune ainsi qu’un an après la séparation ;
- lésions corporelles simples infligées par le/la partenaire durant la vie commune ainsi qu’un an après la séparation ;
- lésions corporelles graves ;
- menaces par le/la partenaire durant la vie commune ainsi qu’un an après la séparation;
- contrainte;
- séquestration ;
- contrainte sexuelle et viol ;
- mise en danger de la vie, tentative d’homicide et homicide.
Les actes poursuivis uniquement sur plainte (le délai de plainte est alors de trois mois après les faits) comprennent:
- injures;
- voies de fait isolées;
- violation de domicile;
- dommages à la propriété;
- abus d’une installation de télécommunication (téléphones ou messages répétés);
- lésions corporelles simples, voies de fait répétées, menaces commises dans le cadre d’un couple qui ne fait pas ménage commun ou plus d’un an après le divorce ou la séparation.
Il est possible de déposer une plainte pénale auprès de la police ou du ministère public.
Votre plainte doit répondre à un certain nombre de critères :
- être datée et signée en original (les photocopies, fax et e-mails ne sont pas valables)
- être rédigée en français ou en allemand
- contenir un résumé des faits
- indiquer où et quand les événements se sont produits
- indiquer, si possible, la personne soupçonnée et son adresse
- indiquer les moyens de preuve (témoins, certificat médical, facture, etc)
Procédure civile
En cas de violence, de menaces ou de harcèlement, la victime peut demander des mesures de protection civiles. Le juge peut ainsi interdire à la ou au partenaire de s’approcher de la victime, et/ou de son domicile, d’autres lieux comme de son lieu de travail, ainsi que de prendre contact avec elle de quelque manière que ce soit (art. 28b du Code civil suisse).
En cas de domicile commun, l’auteur·e peut être expulsé·e du domicile commun, soit sur demande de la victime, soit par un service désigné par les cantons en cas de crise (art. 28b al. 4 CC), soit l’Officier de service de la Police cantonale dans le canton du Valais.
Les personnes mariées ou en partenariat enregistré peuvent demander des mesures protectrices de l’union conjugale ou le divorce, respectivement la dissolution du partenariat. Dans ce cadre, le juge peut notamment attribuer le logement commun, fixer des contributions d’entretien et organiser le droit de garde des enfants.
Qui peut vous aider sur le plan légal dans le Canton du Valais ?
Voicil les adresses des centres d’aide aux victimes d’infraction dans notre canton.
Est considérée comme une victime au sens de la LAVI et au sens du Code de procédure pénale, toute personne qui, du fait d’une infraction pénale, a subi une atteinte directe à son intégrité physique, sexuelle ou psychique. Il peut s’agir par exemple de lésions corporelles, d’un viol, d’actes d’ordres sexuels sur un enfant, d’un accident de la circulation, d’une menace de mort, d’une séquestration, d’un brigandage, etc.
Il n’est pas nécessaire que l’auteur de l’infraction soit découvert, que son comportement soit fautif ou qu’il ait agi intentionnellement. De plus, il n’est pas nécessaire de déposer une plainte pénale pour rencontrer les collaborateurs des centre LAVI.
La LAVI et le Code de procédure pénale garantissent des droits particuliers aux victimes d’infractions et à leurs proches (le conjoint, les enfants et les père et mère de la victime) :
- Toute victime peut demander gratuitement conseil et assistance auprès d’un centre de consultation LAVI, dans n’importe quel canton suisse ;
- Dans le cadre d’une procédure pénale, la victime bénéficie de certains droits spécifiques ;
- Elle peut également faire valoir, dans le canton où l’infraction a été commise, la réparation du préjudice subi résultant de l’infraction (dommage matériel et/ou tort moral).
Les centres de consultation LAVI offrent un espace confidentiel et gratuit. Ils conseillent les victimes et leurs proches, les aident à faire valoir leurs droits et les orientent vers les professionnels spécialisés (avocats, psychologues, médecins, etc.). Les entretiens se font uniquement sur rendez-vous. N’hésitez pas à laisser un message sur leur répondeur et ils vous rappelleront.