Nicolas exploite depuis des années un petit café sis sur une place piétonne d’une petite ville romande. Un matin un employé d’une administration cantonale se présente pour un contrôle relatif aux conditions de travail de ses collaborateurs. Parmi les questions qui lui sont soumises, il en est une qui le surprend : comment justifiez-vous la présence de caméras de surveillance ? Nicolas expose alors le fait qu’il a déjà subi des vols, ainsi que diverses déprédations. Le collaborateur prend note de ses remarques et il lui demande de préciser pourquoi des caméras figurent en cuisine et au sous-sol où se trouve la chambre froide. Nullement décontenancé, Nicolas rétorque qu’il a subi, par le passé, des vols et qu’il veut se prémunir contre la réitération de tels comportements. Quelques jours plus tard, il reçoit une lettre officielle de l’administration qui lui impartit un bref délai pour démonter certaines de ses caméras. Furieux, il appelle son avocat Damian qui, après l’avoir calmé, lui tient à peu près ce discours.
La loi interdit d’utiliser des systèmes de surveillance ou de contrôle destinés à surveiller le comportement des travailleurs à leur poste de travail, et ce, même si vous obtenez l’accord de vos collaborateurs. À titre exemplatif, une telle hypothèse serait réalisée si la caméra est dirigée sur le four à pizza ou sur le plan de travail de la cuisine. La poursuite de délits commis dans l’entreprise n’est sur le principe, par l’affaire de l’entreprise, mais de la police. Le Tribunal fédéral a admis de manière très restrictive une telle surveillance s’agissant par exemple d’une salle des coffres ou d’une galerie d’art. Si vous ne respectez pas ces règles, l’autorité peut exiger que vous démontiez cette installation de vidéosurveillance, à vos frais.
S’agissant des clients, il n’est pas admissible qu’un établissement enregistre quand et avec qui ils partagent un repas. Dès lors que les personnes peuvent être identifiées, il s’agit d’une atteinte à la sphère privée et ils peuvent s’en plaindre devant un juge. Les restaurateurs doivent conséquemment délimiter les zones filmées et en informer les clients au moment de leur entrée dans le champ de la caméra. À cet égard un petit autocollant sur la porte s’avère manifestement insuffisant.
Il existe une foultitude d’autres règles à respecter lors de l’implémentation de caméras de vidéosurveillance dans un établissement public. Ne vous fiez jamais aux informations qui vous sont communiquées par l’entreprise qui vend ces produits et exigez une déclaration écrite au terme de laquelle l’installation respecte toutes les normes légales en vigueur… cette seule demande suffira à éloigner les amateurs. Des contrôles étant présentement en cours dans le Canton du Valais, sollicitez cette déclaration également si votre installation est déjà fonctionnelle.
Ce sujet a fait l’objet d’une rubrique de l’émission « On en parle » de la RTS le 7 juin 2019.
Vous pouvez écouter cette rubrique intitulée « Vidéosurveillance, la traque aux caméras hors la loi« .
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Notre conseil :
Voici quelques ressources qui devraient vous permettre d’appréhender cette thématique et d’éviter de cruelles déconvenues:
- Explications du Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT) relatives à la vidéosurveillance sur le lieu de travail;
- Brochure du PFPDT intitulée « Protection des données et de la personnalité sur le lieu de travail: un droit légitime »;
- Fiche du Préposé genevois à la protection des données et à la transparence intitulée « Caméras de vidéosurveillance, aspects juridiques et pratiques »;
- Jurisprudence administrative de l’Etat de Neuchâtel (illicéité d’une webcam visant principalement à surveiller le comportement des travailleurs) du 6 septembre 2013 (dossier REC.2008.12);
- Jurisprudence du Tribunal fédéral du 20 décembre 2018 (6B_181/2018) relative à l’inexploitabilité de la vidéosurveillance d’employés par la police;
- Commentaire de l’article 26 de l’ordonnance 3 relative à la loi sur le travail comportant de nombreux exemples;
Si vous êtes le patron d’un établissement public, exigez une déclaration écrite de la société ou de la personne qui procède à l’installation de vidéosurveillance. Le libellé de la déclaration écrite pourrait en substance être le suivant:
… le/la soussigné(e) déclare par la présente que l’installation de vidéosurveillance réalisée au sein de l’établissement « Z » (installation composée de X caméras, d’un disque dur, de logiciels, etc.) est en tous points conforme à la législation tant fédérale que cantonale en matière de protection des données, de protection de la personnalité et de sécurité au travail, ainsi qu’en matière pénale et/ou administrative; en cas de procédure qui constaterait que des normes ont été violées, je m’engage en assumer pour autant que faire se peut toutes les conséquences (économiques, juridiques, etc.) à l’entière décharge de l’établissement Z…