Tous les matins, vous ne voyez qu’elle. Elle vous obsède au point de vous faire perdre le sommeil. Elle, c’est la nouvelle caméra installée par votre voisin durant vos vacances d’automne. Un dôme en fait qui laisse subodorer la possibilité d’opérer des rotations, de zoomer, de tout savoir de vous et de vos proches, en tout temps.
Depuis que la situation s’est envenimée avec votre voisin pour une banale histoire de clôture, celui-ci vous a menacé de vérifier en temps réel que vous n’excédiez pas vos droits de propriété. Ce qui vous inquiète n’est pas tant le fait que cette menace ait été mise à exécution, mais bien plutôt les capacités techniques de cette caméra dissimulée par un dôme. Est-il possible de zoomer dans votre chambre à coucher ? La caméra se déclenche-t-elle automatiquement à chaque mouvement détecté ? Que dire à vos invités lorsqu’ils verront qu’ils sont potentiellement filmés ? Ces questions vous taraudent et vous ignorez quels sont vos droits.
Sachez tout d’abord que vous n’êtes pas seul. De très nombreux Valaisans se trouvent dans une situation similaire, du fait notamment de la multiplication des offres de caméras de vidéosurveillance proposées par des gens plus désireux de les vendre que de respecter les dispositions légales. Les tribunaux ont dû arbitrer plusieurs litiges sur le plan civil et pénal et la source de conflits va s’amplifier avec la quasi-généralisation des installations de vidéosurveillance, notamment pour les nouvelles constructions.
Si votre voisin filme la voie publique, respectivement le domaine public, il vous est loisible de vous adresser à la police communale et de requérir son intervention. Le Préposé fédéral considère en effet qu’il existe une compétence résiduelle pour des normes de droit cantonal comme la clause générale de police qui peut légitimer cette intervention. Si celle-ci ne devait pas être couronnée de succès ou si la caméra ne filme pas le domaine public, vous avez le choix entre la voie civile et la voie pénale. Il vous est ainsi loisible de solliciter d’un juge qu’il ordonne le retrait de la caméra, si celle-ci filme votre propriété, portant ainsi atteinte à vos droits de la personnalité. Plus incisive, la voie pénale suppose la preuve que votre domaine privé a été atteint. Concrètement la caméra doit saisir des images qui ne peuvent être perçues sans autre par chacun, ce qui exclut ce que l’on peut voir depuis une route par exemple.
Le Valais est à l’aube d’une révision de ses normes en matière de vidéosurveillance. Pour éviter ces conflits toujours plus nombreux et qui empoisonnent le quotidien, il pourrait s’avérer opportun de prévoir une médiation non obligatoire entre les parties. Cela déchargerait les tribunaux et souvent lorsque chacun a pu exposer son point de vue la situation se pacifie naturellement. La balle est dans le camp de nos parlementaires.
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Notre conseil :
Voici quelques ressources pour tous ceux qui souhaiteraient en savoir plus relativement à cette thématique:
- La page du site du Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence consacrée à la vidéosurveillance effectuées par des particuliers;
- Un avis de droit du 8 janvier 2019 du Préposé genevois à la protection des données et à la transparence intitulé « Vidéosurveillance du domaine public par des privés à Genève – Un vide juridique« ;
- L’avis du Préposé à la protection des données JURA-NEUCHATEL publié le 7 février 2017, avis intitulé « Vidéosurveillance du domaine public par des privés »;
- Un article de Me Sébastien Fanti intitulé « Vidéosurveillance par des personnes privées: la boîte de Pandore est-elle ouverte ?« , in plaidoyer 4/14, p. 34 à 40;
- Une vidéo explicative intitulée « Vidéosurveillance de l’espace public par des privés »;
- Une récente jurisprudence du Tribunal fédéral – appréciation de l’admissibilité d’une installation de surveillance vidéo dans un bâtiment comportant des appartements loués (ATF 142 III 263);
- Une récente jurisprudence de la Cour pénale du Tribunal cantonal valaisan (photo réalisée par une caméra de surveillance installée sur un bâtiment privé), publiée à la Revue valaisanne de jurisprudence (RVJ 2018 310).