La presse s’est récemment fait l’écho d’une utilisation toujours plus intensive du logiciel WhatsApp dans le cadre scolaire.
Cet article faisait notamment référence à une recommandation du Préposé à la protection des données pour Neuchâtel et le Jura Christian Flueckiger que voici dans son intégralité.
Nonobstant le temps écoulé depuis la publication de cette recommandation, celle-ci conserve toute sa pertinence.
La Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés de la France a en effet émis une mise en demeure le 18 décembre 2017 en impartissant un délai à WhatsApp pour procéder légalement à la transmission des données de ses utilisateurs à Facebook, notamment en obtenant leur consentement. Selon les conditions d’utilisation de WhatsApp, les données de ses utilisateurs sont désormais transmises à la société Facebook Inc. pour trois finalités : le ciblage publicitaire, la sécurité et l’évaluation et l’amélioration des services (« business intelligence »).
Les enseignants sont-ils en droit d’utiliser WhatsApp pour communiquer avec les élèves ?
Avis du PPDT 2016.1473 publié le 28 septembre 2016
L’utilisation de WhatsApp est déconseillée, mais les enseignants peuvent communiquer avec les élèves par ce service si l’ensemble de la classe l’utilise déjà, ou que ceux qui ne l’ont pas encore ne sont pas poussés à le faire. Dans tous les cas, il serait bien que l’utilisation soit préalablement accompagnée d’informations à propos des dangers de tels services au niveau de la protection des données personnelles.
Aux yeux de la majorité des utilisateurs, l’utilisation de WhatsApp ne pose aucun problème de protection des données, surtout qu’ils ont l’impression de n’échanger que des données personnelles anodines.
Si tel était vraiment le cas, pourquoi une société qui offre un produit désormais gratuit a-t-elle été rachetée en 2014 par Facebook pour la modique somme de 16 milliards de dollars (soit environ 35.5 $ par utilisateur, dont certains payaient au maximum 1 $ par an) ? « Si le groupe de Mark Zuckerberg est prêt à dépenser de telles sommes, c’est qu’il s’attend à ce que ces données soient mises à profit à l’avenir pour augmenter la pertinence de leur publicité ciblée, notamment grâce au Big Data » (info RTS du 21 février 2014).
La raison de cet achat est aujourd’hui plus clairement connue puisque les conditions générales de Whatsapp viennent d’être mises à jour en annonçant que cette société pourra communiquer les numéros de téléphone des utilisateurs à des entreprises et surtout que Facebook utilisera les données personnelles transitant par WhatsApp pour » faire des suggestions de produits et afficher des offres et publicités pertinentes« .
Concrètement, Facebook pourra aussi « mettre à disposition d’annonceurs les numéros de téléphone anonymisés des utilisateurs de WhatsApp. Ceux-ci pourront recevoir des annonces plus ciblées, assure le service de messagerie » (Le Temps le 30 août 2016).
Les moins convaincus des dangers du Big Data, sont invités à parcourir quelques reportages sur ce sujet.
Mais quoi qu’il en soit, il ressort de ce qui précède que des données personnelles sont traitées à travers WhatsApp pour d’autres fins que le simple échange entre deux ou plusieurs personnes.
Cette application utilisée dans un cadre privé repose sur le consentement des utilisateurs qui aurait dû se rendre compte de ces enjeux en lisant les conditions générales; chacun restant libre de ne pas bénéficier de ce service.
En revanche, l’utilisation dans le cadre scolaire est plus problématique sous l’angle de la protection des données.
Conformément à la CPDT-JUNE, les écoles ne peuvent pas encourager les élèves à fournir leurs données personnelles à des sociétés qui les utiliseront à des fins de marketing.
Concrètement, si l’ensemble d’une classe utilise WhatsApp, l’enseignant pourrait communiquer avec ses élèves par ce biais.
En revanche, si tous les élèves ne l’utilisent pas, l’enseignant pourrait communiquer avec ceux qui l’ont téléchargé (en n’oubliant pas que les données soumises au secret de fonction et sensibles ne doivent pas transiter par ce canal), pour autant que cela ne pousse pas, directement ou indirectement, les autres à télécharger WhatsApp pour ne pas être mis à l’écart.
Mais il serait bien que dans ces deux cas de figure, l’utilisation au sein de l’école soit accompagnée d’informations à propos des dangers de l’utilisation de tels services (des liens sont à disposition ici).
Bien évidemment, l’enseignant ne doit en aucun cas promouvoir cette solution, mais uniquement en profiter si des élèves l’utilisent déjà.
Enfin, il faut savoir qu’il existe d’autres produits qui offrent un service similaire, dont deux sont respectueux de la protection des données :
Notre conseil :
L’une des solutions préconisées, soit l’utilisation de Threema devrait être favorisée.
Tout d’abord, cette solution est suisse et les données sont stockées dans notre pays.
D’autre part, selon différents tests réalisés depuis plusieurs années, il s’agit d’une solution qui a démontré sa fiabilité et son haut niveau de sécurité.
Finalement, Threema offre désormais une solution dédiée à l’éducation à un tarif préférentiel de 9 francs par utilisateur et par an.
Dans ces circonstances, le choix important à opérer (puisqu’il s’agit la plupart du temps de données de mineurs) devrait prendre en considération les facteurs fondamentaux précités.