Le titre inspiré du film éponyme (que j’adorais enfant) a pour but d’illustrer le dessin de la semaine réalisé par Casal.
C’est une affaire qui aura défrayé la chronique !
A l’heure où ces lignes sont écrites, nul ne sait encore si elle a connu son épilogue, ou si c’est le Tribunal fédéral qui devra arbitrer ce litige.
Quoi qu’il en soit, le scénario est haletant. Jugez plutôt.
Deux aiglons royaux recueillis par un garde-chasse après avoir été dérangés dans leur nid par des biologistes en herbe, après avoir été observés de près. Des conditions de détention qui prêtent à discussion, selon l’Université de Berne, qui dénonce ce cas à la justice pénale.
Un premier jugement qui condamne le garde-chasse pour avoir enfreint la loi fédérale sur la chasse et la protection des mammifères et oiseaux sauvages, ainsi que la loi fédérale sur la protection des animaux.
La sanction: une peine pécuniaire de 40 jours-amendes à 330 francs l’unité, avec sursis à l’exécution de la peine d’une durée de quatre ans.
Le Tribunal de Sion a jugé que le garde-chasse a contribué à diminuer les chances de survie des aiglons en les ayant laissé quitter son écurie, au lieu de les amener au centre de soin agréé susceptible de leur donner les soins nécessaires et de les préparer à leur retour à la nature.
Un appel du condamné qui sollicite son acquittement.
Un deuxième jugement du Tribunal cantonal.
Qui acquitte le garde-chasse.
Selon la Cour cantonale, la détention a conservé un caractère provisoire et est par conséquent restée dans le cadre des compétences du garde-chasse qui n’a donc pas commis d’infraction. La prise en charge des rapaces pour une courte durée relevait du cahier des charges du garde-chasse, qui devait, en collaboration avec le Service, évaluer la situation, décider de leur sort et, dans le cas d’espèce, organiser le transport. Malgré un certain retard sur ce dernier point, le garde-chasse n’a jamais renoncé à transférer les oiseaux, ni envisagé de les garder sur une longue durée.
Son seul but était de venir en aide aux oiseaux.
Comment est-ce possible, me direz-vous?
Deux jugements si antagonistes ?
Tout simplement parce que les faits retenus comme pertinents diffèrent selon l’appréhension d’un Tribunal à l’autre.
Cette affaire rappelle la nécessaire humilité que toute procédure pénale doit générer.
Alors qu’auparavant, le principe in dubio pro reo prévalait (le doute profite à l’accusé), c’est désormais le principe in dubio pro duriore qui s’applique.
Dans le doute, une personne doit désormais être jugée.
Et chacun se garder de juger trop prestement, tant que le dernier jugement n’est pas rendu.
Et encore, car il s’agit d’une vérité judiciaire.
Mise à jour :
Le Ministère public du Canton du Valais a annoncé avoir saisi le Tribunal fédéral d’un recours. L’épilogue de cette affaire se déroulera donc à Lausanne. Nous vous tiendrons bien évidemment informés.
Notre conseil :
Même si « nous voulons que la vérité soit au singulier », selon l’expression de Paul Ricœur, « l’esprit de vérité est de respecter la complexité des ordres de vérité ; c’est l’aveu du pluriel ».
Pour de plus amples informations sur la nature de la vérité judiciaire :
- Vérité judiciaire et para-judiciaire en matière pénale : quelle vérité ?, Michel van de Kerchove
Paul Ricœur, Histoire et vérité, Paris : Seuil, 1955, p. 156 et 175.