Les décisions des tribunaux rendues suite à des publications sur les réseaux sociaux à l’encontre de politiciens prospèrent. Et, nonobstant la jurisprudence du Tribunal fédéral qui prévoit que ces derniers doivent avoir le cuir épais, les condamnations sont de plus en plus fréquentes.
Une récente décision de la Cour d’appel du Tribunal pénal fédéral en est la preuve éclatante. Un internaute qui avait proféré des insultes contre le conseiller fédéral Alain Berset sur le réseau social Facebook, affirmait que son post était une contribution satirique.
Le Ministère public de la Confédération a quant à lui adopté un point de vue très différent. Il l’a condamné par ordonnance pénale pour tentative de violences et menaces contre les autorités et les fonctionnaires, ainsi que provocation publique au crime et à la violence. L’homme avait été aussi reconnu coupable de lésions corporelles simples parce qu’il avait donné un coup de poing à un tiers avant l’affaire du post sur Facebook.
La sanction : une peine pécuniaire avec sursis de 150 jours-amendes à 30 francs et une amende de 900 francs. En cas de non-paiement de l’amende, c’est une peine de 30 jours de prison qui devra être exécutée. À cela se sont ajoutés des frais de procédure. Cette (mauvaise) plaisanterie a ainsi déjà généré des coûts dépassant allégrement 1000 francs pour l’outrecuidant.
N’ayant manifestement pas compris la leçon, il a formé opposition à sa condamnation, ce qui va occasionner la tenue d’un procès. Et des frais conséquents. En définitive, une condamnation pourrait lui coûter plus de 3’000 francs, sans compter l’épée de Damoclès d’une révocation du sursis en cas de nouvelle infraction… Dans cette hypothèse, 4’500 francs viendraient s’ajouter à la douloureuse. Il peut certes être acquitté partiellement (certains des faits étant établis sans nul doute), mais même dans cette hypothèse le juge pourrait lui imputer l’intégralité des frais de procédure au motif qu’il est responsable de celle-ci… Nous en saurons prochainement plus. En droit, la satire n’excuse pas tout. À l’instar de Jules Renard, on peut soutenir que montrer les choses telles qu’elles sont s’avère suffisant, dès lors qu’elles sont assez ridicules par elles-mêmes.
Finalement, la question légitime que l’on peut se poser aujourd’hui est assez simple : se justifie-t-il encore de ne pas condamner les atteintes à la personnalité de politiciens du fait de leur fonction dans un monde où les vecteurs numériques permettent d’amplifier les dommages à l’infini et où il est impossible de faire disparaître totalement les scories de ces attaques ? Gageons qu’un avocat soumettra prochainement cette argumentation au Tribunal fédéral dans le but de tenter de renverser une jurisprudence bien établie.